STTP - 2020-07-17 - Alberta : les droits des travailleurs et travailleuses attaqués par le gouvernement

Alberta : les droits des travailleurs et travailleuses attaqués par le gouvernement

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Vendredi 17 Juillet 2020
2019-2023/178

La semaine dernière, le gouvernement conservateur de Jason Kenney a déposé le projet de loi 32, Restoring Balance in Alberta’s Workplaces Act (loi rétablissant l’équilibre dans les lieux de travail en Alberta). Il s’agit d’un énorme projet de loi omnibus qui modifie six lois sur l’emploi et les relations de travail. Il ne faut pas se laisser berner par le titre du projet de loi, car il s’agit, sans l’ombre d’un doute, d’une attaque à l’encontre des travailleurs et travailleuses et des syndicats au bénéfice des grandes entreprises et des riches.       

Bien que les membres du STTP qui travaillent à Postes Canada soient visés par la loi fédérale, les membres qui travaillent pour des entreprises du secteur privé risquent d’être visés par ce projet de loi. Il faut savoir qu’une attaque contre un groupe de travailleurs et travailleuses se répercute presque inévitablement sur les autres travailleurs et travailleuses. Il faut empêcher l’adoption de ce projet de loi!       

Le projet de loi 32 s’inspire d’un concept provenant des États-Unis en matière d’emploi et de relations de travail. Il se traduit par une stratégie économique d’érosion des salaires, des conditions de travail et des normes de protection de l’environnement et par l’impatience face à la dissidence démocratique.   

Un grand nombre d’organisations de la société civile et de spécialistes ont analysé en détail ce projet de loi. Ils en concluent qu’il menace le pouvoir de négociation des travailleurs et travailleuses et leurs démarches de nature politique qui s’inscrivent dans leur lutte pour améliorer leurs conditions de travail.    

Comme il est indiqué plus haut, le projet de loi 32 comporte de nombreux changements. Pour mieux en saisir l’ampleur, Jason Foster, professeur de relations du travail à l’université Athabasca, résume ces changements, qu’il répartit en trois catégories.    

 

Punir les syndicats       

Les articles du projet de loi 32 classés sous cette catégorie ciblent de manière féroce les syndicats et leurs activités. Le projet de loi exige des syndicats qu’ils obtiennent le consentement de chaque membre pour collecter la partie des cotisations syndicales qui n’est pas liée aux activités de représentation syndicale proprement dites. Un tel changement contrevient à la décision rendue dans l’affaire Lavigne (1991) et vient punir la campagne intense que le mouvement syndical a menée pendant et après les élections de 2019. Le projet de loi restreint sévèrement le piquetage, interdisant à tout piqueteur d’empêcher qui que ce soit de franchir une ligne de piquetage. De plus, le projet de loi exige des syndicats qu’ils obtiennent la permission de la Commission des relations de travail avant d’organiser toute activité de piquetage secondaire. Encore une fois, ces changements vont à l’encontre de la récente jurisprudence selon laquelle le piquetage constitue un élément fondamental de la Charte en matière de liberté d’expression, et ils vont affaiblir le pouvoir de négociation des travailleurs et travailleuses.       

 

Entraîner des conséquences insidieuses         

Les articles du projet de loi 32 classés sous cette catégorie ciblent les aspects techniques et juridiques des relations de travail, et visent à fournir, en douce, un avantage aux employeurs, surtout ceux qui cherchent à éviter la syndicalisation de leurs employés. De plus, le projet de loi supprime les échéances visant le vote d’accréditation. Il supprime aussi l’accréditation automatique, en tant que potentielle mesure punitive pour pratique de travail déloyale. D’autres articles du projet de loi restreignent l’étendue du processus décisionnel des arbitres, et permettent à la commission des relations de travail d’annuler plus facilement les décisions arbitrales. Certains des changements annulent des amendements adoptés par le NPD, tandis que d’autres délimitent de nouveaux territoires. Cependant, tous ces changements orientent les relations du travail au bénéfice de l’employeur et rendent difficiles la mise sur pied d’un syndicat et la défense d’une convention collective.      

 

Exploiter les travailleurs et travailleuses vulnérables       

Un certain nombre de changements visent le Code des normes d'emploi, et ceux-ci facilitent la tâche aux employeurs pour qu’ils puissent passer outre les principales normes d’emploi. Par exemple, le projet de loi assouplit les règles en faveur des employeurs grâce à l’entente sur la moyenne. Une telle entente permet aux employeurs d’établir une moyenne des heures de travail aux fins de la rémunération des heures supplémentaires. Mais pire encore, cet assouplissement des règles supprime l’exigence selon laquelle l’employée ou l’employé doit consentir à une entente sur la moyenne, et il permet à l’employeur d’imposer l’entente de manière unilatérale.     

Le projet de loi 32 facilite les mises à pied en atténuant les exigences de notification, allonge la durée d’emploi nécessaire pour toucher une indemnité de départ, et soustrait l’employeur de l’obligation de notification à l’endroit des travailleuses et travailleurs saisonniers et contractuels. Ces changements peuvent sembler mineurs, mais lorsque la loi facilite la tâche aux employeurs de procéder à des mises à pied, la « menace » de mise à pied s’accentue, ce qui accroît encore davantage le pouvoir des employeurs.  

Le STTP est d’accord avec la conclusion du professeur Foster selon laquelle s’il est adopté, le projet de loi 32 aura des conséquences d’ordre matériel sur des centaines de milliers de travailleurs et travailleuses. Les travailleuses et travailleurs syndiqués verront s’éroder les avantages d’être syndiqués, celles et ceux qui souhaitent se syndiquer auront plus d’obstacles à franchir pour y parvenir, et les travailleuses et travailleurs les plus vulnérables seront de plus en plus à la merci de leur employeur.

Gil McGowan, président de la Fédération du travail de l’Alberta, soutient que ce projet de loi est anticonstitutionnel. Il a déclaré ceci : « Nous irons dans l’arène politique, devant les tribunaux, et si nécessaire, nous descendrons dans la rue. » 

Il a ajouté que, selon la définition d’activités syndicales contenue dans ce projet de loi, le lobbying en matière de santé et de sécurité ou de congés de maladie payés, par exemple, serait étiqueté comme étant de nature politique, ce qui limiterait gravement la capacité des syndicats à défendre leurs membres.    

Le gouvernement estime que le projet de loi 32 permettra aux entreprises d’économiser plus de 100 millions $ par année, en leur permettant d’accroître les types d’emplois que des jeunes de 13 ou 14 ans ont l’autorisation d’effectuer sans permis ni surveillance.

En Alberta, la balance du pouvoir en milieu de travail demeure fortement inclinée du côté des employeurs. Ce projet de loi restreint le rayon d’action des syndicats, leur imposant une bureaucratie et des limites anticonstitutionnelles qui visent leur droit de défendre leurs membres.    

 

Que pouvons-nous faire pour contrer l’adoption du projet de loi 32?  

La Fédération du travail de l’Alberta a lancé une campagne pour informer les députées et députés de la province que les travailleurs et travailleuses sont contre ce projet de loi.   

J’invite tous les membres du STTP à adhérer à cette lutte de défense des droits des travailleurs et travailleuses. Ce projet de loi, qui s’attaque aux travailleurs et travailleuses, aura des conséquences sur nous tous.     

Rendez-vous à : https://www.afl.org/defend-worker-rights

En quelques clics, vous serez en mesure d’envoyer un message à votre députée ou député provincial.  

Causer du tort à l’un de nous, c’est causer du tort à tous.   


Solidarité,

Lana Smidt
Directrice nationale, Région des Prairies