La décision qui vient d’être rendue nous rapproche énormément de l’obtention de l’accréditation syndicale pour représenter les livreurs et livreuses de Foodora à Toronto. Elle constitue un précédent majeur en matière de syndicalisation des travailleurs et travailleuses de l’économie des petits boulots.
Le 25 février 2019, la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) a rendu une décision marquante où elle donne raison au STTP, déclarant que les livreurs et livreuses de Foodora ne sont pas des entrepreneurs indépendants mais bien des entrepreneurs dépendants (une classe d’emplois plus près de celle d’« employés »).
Il s’agit de la première décision du genre rendue par la CRTO et, sauf erreur, par toute autre commission des relations de travail au Canada à propos de travailleurs et travailleuses de l’économie des petits boulots. La CRTO y reprend de nombreux éléments cruciaux qu’elle a fait valoir dans de précédentes décisions à propos de la classification des travailleurs et travailleuses, notamment dans des dossiers portant sur des messagers et messagères. Dans le cas présent, l’application mobile de Foodora constitue la principale différence.
Comme l’a souligné la CRTO, l’application mobile a été l’élément déterminant pour définir le type de relation qui lie les livreurs et livreuses à Foodora, car les activités de l’entreprise sont basées sur cette application. S’ils veulent travailler pour Foodora, les livreurs et livreuses sont tenus de signer un contrat stipulant qu’ils ont le statut d’entrepreneur indépendant. Toutefois, cette appellation ne change en rien la réalité.
[Traduction] : « [...] le droit et la capacité de l’entreprise d’exercer un contrôle sur la manière dont le travail s’effectue permettent de conclure que les livreurs et livreuses sont des entrepreneurs dépendants. La preuve, établie en fonction des différents facteurs, indique que les livreurs et livreuses de Foodora peuvent travailler de manière indépendante, mais toujours dans le cadre établi par l’entreprise et sous la surveillance étroite du répartiteur. »
Dans sa décision, la CRTO présente un certain nombre de raisons pour lesquelles elle conclut que le type de relation qui lie les livreurs et livreuses à Foodora ressemble davantage à la relation employé-employeur. Grâce à son application mobile, Foodora contrôle la manière dont le travail s’effectue, le lieu où il s’effectue, et elle peut se servir du GPS pour surveiller les livreurs et livreuses. Elle exerce un contrôle sur la cadence, les règles de travail, les horaires, les primes et les restrictions, et elle peut superviser la vitesse d’exécution des livreurs et livreuses. De plus, elle peut imposer des mesures disciplinaires semblables aux mesures disciplinaires progressives.
[Traduction] « La CRTO conclut que, selon l’analyse du degré d’intégration, les livreurs et livreuses s’apparentent davantage à des employés qu’à des entrepreneurs indépendants. »
Contrairement aux entrepreneurs, les livreurs et livreuses ne sont pas autorisés à proposer ni à promouvoir leurs services directement auprès des restaurateurs et des clients. Ils ne sont pas non plus autorisés à modifier, de leur propre chef, les tarifs et les frais facturés en échange de leurs services. Si des modifications sont nécessaires, elles doivent passer par l’application mobile et l’équipe de répartition.
[Traduction] « Dans la pratique, Foodora s’assure de maintenir la relation entre elle, le client et le restaurateur. La livreuse ou le livreur est un rouage de cette machine économique : un élément intégré de la transaction financière. Ce type de relation s’observe davantage dans le cas d’employés que dans celui d’entrepreneurs indépendants. »
La décision de la CRTO est majeure pour l’amélioration des droits des travailleurs et travailleuses de l’économie des petits boulots. Elle représente une immense victoire en matière de syndicalisation. Il nous faut toutefois pouvoir compter sur des mesures législatives progressistes pour protéger l’ensemble des travailleurs et travailleuses à statut précaire.
Le 31 juillet 2019, le STTP a déposé une demande d’accréditation syndicale auprès de la CRTO. Le vote s’est déroulé du 9 au 13 août 2019, et les audiences ont commencé en octobre. Jusqu’à présent, les résultats du vote demeurent secrets.
La CRTO ayant reconnu les livreurs et livreuses de Foodora comme entrepreneurs dépendants, elle va maintenant régler d’autres questions en litige avant de faire connaître les résultats du vote.
La victoire des livreurs et livreuses de Foodora rejaillit sur l’ensemble des travailleurs et travailleuses des postes, et elle marque un pas de plus vers l’amélioration des droits des travailleurs et travailleuses dont les tâches sont fonction d’une application mobile.
Solidarité,
Fichier joint | Taille |
---|---|
![]() | 792.74 Ko |